L'APANAGE DU COMTE D'ARTOIS
(1773-1790)
Sandrine Bula
École des Chartes
Mémoires etdocuments de l'École des Chartes, n° 38
Diffusé parla Librairie Droz à Genève et la Librairie H. Champion à Paris
Année 1993
Broché couverturesouple – format 16x23,5 – 260 pages – une carte en noir
Thèmes: histoire, 18èmesiècle, Ancien Régime, thèse, royauté, Picardie
État: bon état, propre et solide
Particularités: thèse
Au sommaire
• Préface
• Sources et bibliographie
• Introduction: l'institution desapanages, rappel historique
• Le comte d'Artois et la formation deson apanage
• Les évaluations à la Chambre desComptes
• Le Conseil du Comte d'Artois et l'administrationde François de Bastard
• Ladministration de Radix deSainte-foy (1776-1781)
• Le procès de Radix de Sainte-Foy(1779-1784)
• L'administration de l'apanage de 1781à 1790
• Conclusion – Annexes – Index
► Géographie
LArtois ouArtois-Propre (en picard : Artoés), pour « proprement dit », est un paystraditionnel picard situé dans le département du Pas-de-Calais en régionHauts-de-France.
Situé dansle nord de la France, lArtois est borné au sud par le département de la Somme,et traversé par les rivières de la Scarpe, le Crinchon et la Lawe. Aussi appelé« Pays dArtois », « Arrageois », en raison de la présence d'Arras sur sesterres, il bénéficie dun important patrimoine architectural hérité duclassicisme, de paysages verdoyants et de nombreux châteaux et de plus detrente communes classés « Village Patrimoine ».
Le nom delArtois provient d'une tribu celte, les Atrébates, qui ont peuplé leterritoire dès lâge du fer, qui a donné son nom au pagus Atrebatensis, et à lacité des Atrebates, Arras.
Il forme unepartie considérable de la division territoriale du Pays dArtois, dont il donneson nom, ainsi quune grande partie du SIVOM du Bruaysis. En dehors de lacapitale, Arras, les principales villes de lArtois sont Bruay-la-Buissière,Bapaume, Houdain, Avesnes-le-Comte et Aubigny-en-Artois.
► Repères
«Ladernière étude importante consacrée à un apanage du 18ème siècleremonte à la publication, en 1965, de louvrage de Béatrice Hyslop consacré àcelui de Philippe- Égalité, duc dOrléans (1785-1791), dans la collectionBibliothèque dhistoire révolutionnaire de la Société des ÉtudesRobespierristes.
Cestpourquoi la thèse décole des chartes de Sandrine Bula doit retenir lattentionnon seulement des historiens des institutions et de la crise de lAncienRégime, mais aussi de ceux qui sintéressent à létude des fortunes princièreset aristocratiques en France à la veille de la Révolution.
Les apanagesont constitué jusquen 1790 des dotations ou fiefs concédés aux princes desang, destinés, en principe, à garantir leur indépendance financière et à leurpermettre de soutenir leur rang. Dans un utile rappel historique, lauteurprécise lévolution du statut de cette survivance institutionnelle. Les troisapanages qui existaient en France, à la fin de lAncien Régime (ceux du ducdOrléans, des comtes de Provence et dArtois) reposaient, pour lessentiel,sur des bases juridiques établies au 16ème siècle.
Par éditdoctobre 1773, à loccasion de son mariage avec une princesse de la Maison deSardaigne, fut attribué un apanage à Charles-Philippe comte dArtois, alors âgéde seize ans. Devenu le chef dune famille et dune future lignée, la créationdun apanage et létablissement dune Maison consacraient sa nouvellesituation.
Lapanagefut remanié à plusieurs reprises, en raison de la difficulté pour le comtedArtois de sassurer le revenu annuel de 200 000 livres, toutes chargesdéduites, que devait lui procurer sa « portion légitimaire » dans les biens delÉtat. Deux cartes très claires permettent de suivre les variations de sacomposition territoriale. Lédit doctobre 1773 attribuait au comte dArtoisles duchés dAuvergne et dAngoulême, la vicomté de Limoges, le duché deMercœur. En 1776, en échange de différentes parties de l'Angoumois et duLimousin, il reçut les duchés du Berry et de Châteauroux, le comté dArgenton,la seigneurie dHenrichemont, le comté de Ponthieu. En 1778, le Poitou, enéchange des duchés dAuvergne et de Mercœur. Opportunément, S. Bula rappelleque le titre de comte dArtois était un simple qualificatif nentraînant aucundroit sur cette province. Il fut accordé par Louis XV à son petit-fils pourrépondre au vœu des Artésiens qui le suppliaient de ne pas leur retirer sabienveillance après lattentat commis par Damiens, originaire dArras.
S. Buladécrit les rouages de linstitution et en analyse le fonctionnement. Commecelle des autres apanagistes, ladministration du comte dArtois était calquée,avec des effectifs plus restreints, sur le modèle de ladministration royale :Maison ecclésiastique, chambre, bouche, fauconnerie, vénerie, fourrière,conseil. Le conseil du comte dArtois (une quarantaine de membres à la fin delAncien Régime) devait administrer la Maison et percevoir les revenus delapanage, en examiner les comptes, recevoir les fois et hommages des vassaux,expédier les provisions de justice. Le prince tenait son conseil (ou syfaisait représenter), comme le roi lui-même, dans un cabinet qui jouxtait sachambre, au premier étage de laile sud du château de Versailles. Ce conseil,comme celui du roi, produisait des actes appelés « arrêts » et « résultats ».De sa chancellerie établie à Paris rue Saint-Marc (sur la future sectionrévolutionnaire de la bibliothèque qui sera le quartier Feydeau à lépoque deCharles X) émanaient des lettres patentes conçues sur le modèle des actesroyaux. Des intendants des finances étaient responsables de départementsgéographiques comprenant une ou deux provinces de lapanage.
De 1773 à1776, la Maison et le conseil furent dirigés par un haut magistrat, François deBastard, ancien premier président du parlement de Toulouse. Comme un chancelierde France au xvie siècle, il réunissait en ses mains les charges de «chancelier, garde des sceaux, chef du conseil et surintendant des finances ».Mais en 1776, cest un personnage inquiétant, bien connu des histoires de laRévolution, Maximilien Radix de Sainte-Foy qui fut pourvu de la charge desurintendant , désormais désunie de celle de chancelier. Affairiste,spéculateur, défrayant la chronique scandaleuse, Radix de Sainte-Foy devaitengager le comte dArtois dans des opérations hasardeuses qui conduisirentdailleurs le surintendant devant les juges en 1781 pour malversations, fraudeset irrégularités. Il fut remplacé par le fermier général Jean- Jacques deVerdun, qui géra lapanage jusquen 1788, avec plus de circonspection que sonprédécesseur. Achille- Joseph Gojard, un ex-receveur général des finances deParis qui avait mené toute sa carrière au sein du contrôle général, fut ledernier gestionnaire du prince jusquau décret de lAssemblée nationale du 13août-21 septembre 1790 supprimant les apanages et leur substituant une renteapanagère.
Lun desintérêts de louvrage de S. Bula est de montrer dune manière concrète combienétait devenue difficile en France à la fin du 16ème siècle lacoexistence dinstitutions féodales et monarchiques. Si les princes apanagesavaient cessé depuis longtemps dêtre une menace pour la monarchie, lexistencedes apanages ne pouvait être quune source dembarras pour ladministrationroyale et un obstacle aux efforts de simplification administrative. Lapanageétant un ensemble de fiefs, comment encaisser et comptabiliser les revenusdune seigneurie relevant de généralités différentes ?
Était-ilfacile de calculer la part de lapanagiste quand les droits qui lui étaientdévolus étaient perçus par la ferme générale ? Quelle était la part du roi etcelle de lapanagiste dans le recouvrement des frais des droits de greffe etdes amendes ou lacquittement des frais de justice ? Cétait des complicationsdont ladministration royale se serait bien passée et dont elle pouvait prendreombrage à ses niveaux inférieurs. Très révélateurs furent les tiraillements quise produisaient quand Necker en 1777 entreprit de simplifier le système deperception des revenus du domaine. Les apanages ne furent pas concernés par laréforme et en conservant les offices de receveurs et contrôleurs généraux desdomaines et bois, ils créèrent une sorte denclave dans ladministration desdomaines. Et lon voit, à propos de problèmes mineurs, comme le règlement surles chasses, les officiers de lapanage accusés doutrepasser leurs droits etde sattribuer une autorité qui ne revenait quau roi seul, se heurter auxréticences et aux résistances des officiers royaux des Eaux et Forêts.
Mais ce quidéconcerte lhistorien, cest labsence de commune mesure entre la lourdeur, lacomplexité de linstitution, les bouleversements quelle apporte àladministration du royaume et la modicité des 200 000 livres que lapanageétait censé produire. Car, il faut y insister, lapanage na jamais constituéla principale ressource financière du comte dArtois. Cest le Trésor royal quien a toujours été la source essentielle. Lors du mariage, 3500 000 livresannuelles avaient été assignées au couple princier dont 2200 000 livrespour le comte. Le revenu présumé de lapanage ne représentait donc que moins de6 °7o de la dotation conjugale et moins de 10% de celle du prince.
Desincertitudes subsistent, en effet, sur le revenu réel de lapanage. Sonévaluation par des officiers de la Chambre des comptes nétait toujours pasachevé en 1789, seize ans après sa constitution. S. Bula estime que le revenuannuel de 200 000 livres ne fut jamais atteint. Mais elle reste prudente dansla mesure où les chiffres avancés en 1790 par le comité des domaines delAssemblée constituante sont nettement supérieurs : plus de 500 000 livres. Lecomité estimait, en effet, que les bois qui constituaient la sourceprédominante des revenus des apanagistes avaient beaucoup augmenté de valeur aucours des années 1790 (S. Bula publie, p. 222, un excellent tableau des revenusmoyens comparés des apanages des comtes dArtois et de Provence et du ducdOrléans).
En fait, cesdifférences dappréciation illustrent bien labsence de transparence dans lagestion contestable de lapanage du comte dArtois. Ses officiers nenégligeaient rien pour sauvegarder ses droits et cherchèrent à rétablir ceuxqui étaient tombés en désuétude, sengageant ainsi dans le mouvement deréactions féodale et seigneuriale de la seconde moitié du siècle. Mais en mêmetemps, ils nhésitaient pas à amoindrir le revenu des terres et à en augmenterles charges pour obtenir du roi des suppléments dapanage, des indemnitésdiverses et des coupes extraordinaires de bois sans se soucier de laggravationdu déficit du Trésor.
Cettegestion malsaine, particulièrement sous ladministration de Radix de Sainte-Foy, compliquée par une politique hasardeuse dacquisitions de bienspatrimoniaux, fut à lorigine de lendettement considérable du comte dArtois.Les fonds versés par le Trésor et les revenus de lapanage ne lui permettantpas de payer comptant ses acquisitions, il fut obligé de recourir à desemprunts sans cesse accrus. A lépoque de la guerre dAmérique, lensemble deses dettes sélevait à près de 23 millions de livres. Après la signature dutraité de Versailles, Louis XVI prit des dispositions pour le règlement desdettes de son frère. Mais malgré des efforts considérables, la dette du comtedArtois nétait pas toujours éteinte en 1789. Comme le fait judicieusement observerBernard Barbiche, directeur et préfacier de la thèse, « la mauvaise gestion delapanage na fait que renforcer la réputation de légèreté dun prince évaporéqui incarnait sous son plus mauvais jour lAncien Régime finissant ».
Sans doutepeut-on regretter de ne pas avoir ici une étude exhaustive de la fortune ducomte dArtois qui na pas hésité, comme une partie de la haute aristocratie, àse tourner vers les entreprises industrielles et les spéculations commerciales.Les forges de Clavieres ou le lotissement de la pépinière de Roule auraientmérité de plus amples développements. Mais il nen reste pas moins quavec sonétude de lapanage du comte dArtois, S. Bula apporte une importantecontribution à la connaissance des fortunes princières au 16ème siècle,après celles du duc dOrléans (B. Hyslop, 1965), des Condé (D. Roche, 1967) desBourbon-Conti (F.C. Mougel, 1971) et en attendant la publication de la thèse deJean Duma sur la nébuleuse aristocratique des Bourbon-Penthièvre.»
EmileDucoudray.
Source:persee